Sur le plan théorique, l’anxiété et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont des entités cliniques que certains séparent et d’autres fusionnent. D’ailleurs, même l’Association Américaine de Psychiatrie ne les a réellement répartis en deux catégories séparées que dans sa 5ème édition du DSM. Pourtant, au niveau clinique, le lien entre les angoisses, les obsessions et les compulsions est indéniable. Aujourd’hui, nous allons essayer d’approfondir notre compréhension de la relation entre ces manifestations psychiques, mais nous essayerons surtout de faire un état des lieux des stratégies et thérapies qui peuvent aider à limiter leur impact sur la vie du sujet.
Troubles obsessionnels compulsifs : spécificités et liens avec l’anxiété
Considéré comme une des affections psychiatriques le plus répandues, le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est également connu pour être une des maladies les plus invalidantes au quotidien.
Les symptômes des TOC
Les premières sont des images, des pensées ou bien des pulsions envahissantes et incontrôlables qui génèrent de l’anxiété et que le sujet essaye de réprimer.
Les secondes sont les actes mentaux (prières, comptages…) ou les actions (lavages, vérification…) que la personne met en place afin de contrôler ces obsessions.
A titre d’exemple, imaginons un patient qui a développé des préoccupations par rapport au fait d’être contaminé par une maladie via le toucher. Il va alors être obsédé par cette idée et toutes ses tâches quotidiennes vont être entrecoupées par des rituels de lavage. En entrant dans la salle de bain, il va scruter chaque centimètre carré de la pièce et éviter tout contact potentiel avec des surfaces jugées sales. Les mains sont lavées, puis relavées. Le processus est minutieux, impliquant une séquence précise de mouvements répétitifs pour apaiser l’anxiété grandissante.
Chacune des manifestations provoque une grande détresse et une perte de temps significative qui va signer une coupure avec le fonctionnement habituel. L’individu se trouve pris dans un tourbillon impactant profondément ses activités professionnelles et ses relations sociales et entraînant une altération importante de sa qualité de vie.
La relation entre l’anxiété et les TOC
Au regard de cette définition, même si le DSM sépare dans sa 5ème édition les deux maladies psychiatriques, nous remarquons qu’il reconnaît toujours la présence importante d’un caractère anxiogène dans les TOC. Nous pourrions d’ailleurs reprendre la métaphore de la psychologue clinicienne française Véronique Ricaux (2020) et dire que dans le cadre des troubles obsessionnels et compulsifs, l’angoisse se traduit concrètement en actions. Malheureusement, ces dernières sont souvent inefficaces puisqu’elles ne font que renforcer davantage la tension psychique. En s’accrochant à la croyance que les rituels peuvent abolir la pression mentale ressentie, la personne se trouve paradoxalement prise dans un cercle vicieux, alimentant ainsi le cycle perpétuel de l’anxiété et des compulsions.
Nous pouvons ainsi soumettre l’hypothèse selon laquelle l’angoisse serait le socle même qui fait émerger et maintenir la pathologie. Ceci concorderait d’ailleurs avec la conception psychanalytique des TOC qui admet que c’est l’échec du refoulement de certaines pulsions inavouables qui génère une angoisse insoutenable transformée en obsessions et en compulsions acceptables.
Les causes des TOC et de l’anxiété
Les études sur les TOC ont permis de relever divers facteurs étiologiques ou aggravants les manifestations, dont :
- La génétique et l’hérédité : un risque accru de développer la maladie chez les membres de la famille du premier degré d’un patient. Il est évalué à 8 %, tandis qu’il est de 2 % dans la population générale.
- Des particularités cérébrales : des anomalies au niveau des circuits fronto-striataux, du cortex cingulaire antérieur, de l’amygdale et des noyaux de la base ont été mis en évidence chez les individus présentant des compulsions et des obsessions ainsi que chez ceux souffrant de troubles anxieux.
- Une prédisposition biochimique : Ducasse et Fond (2013) rappellent que nombreuses recherches établissent une hypo-activité sérotoninergique. Cette spécificité explique une fragilité et une difficulté à gérer l’anxiété.
- Un dysfonctionnement au niveau cognitif : les pensées intrusives sont une expérience normale et courante chez tout individu. Cependant, chez les patients atteints de TOC, le traitement de ces dernières serait défaillant et caractérisé par une fixation excessive les transformant en obsession.
- Des facteurs psycho-traumatiques : certains chercheurs, comme Moroy et ses collaborateurs (2014), ont démontré un lien entre des évènements de vie traumatogènes et l’apparition de la symptomatologie. 30 % des patients arrivent à repérer avec exactitude le moment qui a fait éclore les troubles.
Comment gérer l’anxiété en lien avec les TOC au quotidien ?
Si le trouble obsessionnel compulsif requiert généralement une prise en charge médicale, il est quand même possible d’essayer de réduire l’anxiété via des techniques de relaxation et grâce à une meilleure d’hygiène de vie.
Techniques de relaxation
Parmi les méthodes qui ont démontré leur efficacité pour réduire le stress et l’anxiété de manière générale, mais en particulier, auprès des patients ayant des TOC, il y a :
- La respiration profonde : il s’agit de la technique anti-stress qui est la plus facile à utiliser, et ce, quel que soit l’endroit où la personne se trouve. Elle consiste en des inspirations lentes et profondes suivies d’expirations contrôlées. Discrète, elle vient contre-carrer le processus d’hyperventilation généralement occasionné par l’anxiété et qui ne fait qu’amplifier cette dernière.
- La méditation : agissant sur les paramètres de l’organisme pour baisser le niveau des angoisses, cette pratique permet aussi de faciliter la prise de distance par rapport aux pensées obsédantes et aux comportements compulsifs mis en place pour le contrer.
L’exercice physique régulier pour réduire le niveau d’anxiété
La course, comme tous les autres exercices d’aérobie d’intensité modérée, sont préconisés afin de faire face à l’anxiété et au TOC.
En effet, il a été démontré que ce type d’entraînement régulier va d’abord distraire des obsessions. Il va en plus activer la libération d’endorphines et favoriser le bien-être. Enfin, il est essentiel de noter que récemment, il a été découvert que le sport permet également de produire le facteur de croissance, c’est-à-dire qu’il va aider à la création de nouveaux circuits neuronaux, potentiellement capables de réduire les symptômes.
Conseils pour une alimentation équilibrée qui peut aider à réduire l’anxiété
Les données scientifiques sont sans conteste : l’anxiété peut partiellement être canalisée par une bonne alimentation.
Ainsi, il existe des aliments à favoriser pour gagner en bien-être. En effet, il est essentiel de suivre un régime alimentaire où le magnésium, l’oméga-3, les tryptophanes ainsi que les vitamines A, B , C et E ont une place de choix.
Parallèlement, certains aliments sont à éviter. Il faut d’ailleurs réduire au maximum la consommation des plats surgelés, de la charcuterie, des sucreries, de la farine blanche, des boissons alcoolisées…
Les traitements médicaux des TOC
Bien que les troubles obsessionnels compulsifs soient classés parmi les quatre maladies psychiatriques les plus courantes, nous sommes certains qu’ils sont sous-diagnostiqués en raison de la rareté des consultations de patients et de leur propension à dissimuler leurs symptômes. Or, cette tendance est regrettable étant donné les avancées significatives dans les domaines psychiatrique et médical, qui ont conduit au développement de remèdes particulièrement efficaces pour soigner cette pathologie.
Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
La TCC représente la thérapie la plus efficace pour traiter les TOC. Elle va se baser sur 3 principaux objectifs :
- Désensibiliser le patient : cela passera principalement par les expositions. Pour l’individu qui craint la contamination, par exemple, il pourra être confronté à une situation qui le perturbe grandement comme le fait de toucher la poignée de la porte d’entrée de son immeuble et il ne devra pas se laver les mains tout de suite après. En se dépassant et en se rendant compte que le lavage n’est pas la raison pour laquelle il n’est pas malade, il va petit à petit abandonner les compulsions.
- Modifier ses cognitions : en travaillant sur la représentation des pathologies que la personne redoute et sur leurs modes de transmission, cela peut participer à diminuer l’intensité des obsessions.
- Maîtriser des techniques qui permettent de rationaliser et de réduire l’anxiété : la méditation pleine conscience fait partie des outils de cette psychothérapie et elle vise à armer le sujet pour que ses mécanismes adaptatifs s’améliorent et qu’il arrive à mieux gérer les pressions au quotidien.
Médicaments antidépresseurs utilisés dans le traitement des TOC
Selon l’INSERM (2021), l’utilisation d’anti-dépresseurs de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) tels que la fluoxetine, l’escitalopram ou la sertraline a montré une très grande efficacité auprès des patients présentant des TOC.
Le dosage prescrit est généralement plus important que celui préconisé pour les sujets qui souffrent de troubles dépressifs. Quant à la durée minimale du traitement, elle doit être de 3 mois.
La médication est communément associée à la psychothérapie pour de meilleurs résultats et afin d’éviter les rechutes.
Autres approches thérapeutiques pour les TOC
Parmi les nouvelles approches qui sont actuellement très appréciés par les médecins, nous retrouvons :
- La stimulation magnétique transcrânienne : il s’agit de l’exposition d’une partie précise du cerveau à un champ électromagnétique dans l’objectif de modifier localement son activité. Une séance dure en moyenne 20 minutes et elle peut être répétée plusieurs fois par jour, et ce, pendant quelques semaines. Indolore, cette technique est quand même déconseillée pour le moment aux enfants et aux femmes enceintes.
- La stimulation électrique cérébrale : uniquement préconisée pour les cas sévères de troubles obsessionnels compulsifs, cette méthode consiste en l’implantation de micro-électrodes dans le cerveau pour y délivrer un courant localisé dans une région spécifique. L’amélioration des symptômes varie selon les études, avec une réduction des manifestations invalidantes allant de 25 % à 90 %.
Ressources et soutien pour les personnes souffrant d’anxiété et de TOC
Parmi les dispositifs et les ressources disponibles en France et qui visent à aider les individus présentant un TOC, il y a :
- Les groupes de soutien : ils permettent d’échanger sur la pathologie avec des spécialistes et avec des personnes partageant le même vécu. Parmi les plus populaires, il y a comme ceux organisés par l’Association Française de sujets souffrant de Troubles Obsessionnels Compulsifs (AFTOC) ou par le Groupe d’Entraide pour Mieux Être (GEME).
- Les services et les professionnels de la santé mentale : il est important de chercher un psychologue, un psychiatre, un psychothérapeute ou une structure qui soient spécialisés dans le traitement de l’anxiété et des TOC.
- Les livres permettant une meilleure compréhension de l’affection : nous conseillons l’ouvrage de Rémi Neveu « Faire face aux TOC », celui d’Élie Hantouche « TOC, vivre avec et s’en libérer » ou encore la 3ème édition du livre d’Anne-Hélène Clair et de Vincent Trybou « Comprendre et traiter les TOC ».
Conclusion
Les obsessions et les compulsions affectent significativement la vie quotidienne. Pour certains théoriciens, ils sont générés par des angoisses inconscientes et amplifiés par l’anxiété qu’ils produisent. Pour d’autres chercheurs, ils sont dus à des dysfonctionnements cérébraux ou biochimiques. Quel qu’en soit le facteur étiologique, la détresse psychique est notable et elle peut être réduite par les techniques de relaxation, l’exercice physique et une alimentation équilibrée. Par contre, le trouble obsessionnel et compulsif, lui-même, requiert des traitements médicaux, comme la thérapie cognitivo-comportementale ou la stimulation cérébrale, ainsi la prise de médicaments antidépresseurs.