Les deux psychiatres français Olivier Saladini et J-P Luauté suggèrent que la dépersonnalisation est un dysfonctionnement du mécanisme adaptatif en réponse à une situation de danger vital. Dans la population générale, il est estimé que près de 50 % des individus peuvent expérimenter cette manifestation au moins une fois dans leur vie. Cependant, ce trouble, qui est peut être profondément déstabilisant, se retrouve, surtout dans divers troubles mentaux, voire somatiques, et il est principalement associé à l'anxiété.
Dans la cinquième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5), la dépersonnalisation est classée en tant que trouble dissociatif, caractérisé par la perte de la cohérence de l'expérience subjective.
Pour simplifier tout cela, nous allons examiner de plus près les symptômes de ce trouble qui peuvent d’ailleurs se manifester de manière prolongée ou récurrente. La personne en a toujours conscience, mais n’arrive généralement pas à les contrôler.
Selon Didier Lauru (2004), le sujet qui vit une dépersonnalisation a d’abord une impression d’étrangeté par rapport à lui-même. C’est comme s’il se regardait de l’extérieur et qu’il était totalement déconnecté de son corps. Il positionne alors tel un observateur extérieur de ses sensations, de ses émotions, de ses pensées et parfois même de ses actes. Il peut expérimenter un engourdissement physique tout comme une indifférence émotionnelle absolue et/ou une distorsion mnésique.
Certains auteurs ne peuvent séparer la dépersonnalisation de la déréalisation. D’autres les considèrent comme deux entités indépendantes. Nous pensons qu’au vu des témoignages des patients, il est pratiquement impossible de les dissocier. En effet, lorsque la personne se déconnecte d’elle-même, elle éprouvera une perte de sentiment d'identité et elle aura irrémédiablement une impression d'irréalité et de détachement par rapport à son environnement.
Il est très important de noter que la déréalisation en cas d'anxiété se caractérise par le fait que l’individu éprouve une distorsion ou une altération de sa perception du monde réel, mais qu’il conserve une appréciation générale de la réalité intacte. C’est ce qui le distingue d’ailleurs du sujet souffrant de schizophrénie.
La dépersonnalisation peut toucher tous les types de structures psychologiques et se retrouver dans diverses maladies mentales. Découvrons quand et pourquoi elle se manifeste lorsqu’on est face à une affection où l’anxiété est prédominante.
Lorsqu’un sujet subit un stress intense, il passe par trois phases : l’alarme, la résistance et l’épuisement avant d’arriver à un état d’homéostasie. Mais si le stress se prolonge dans le temps, les mécanismes d’adaptation et les stratégies de coping peuvent être soumis à rude épreuve. A ce moment-là, les angoisses atteignent un niveau tel qu’elles engendrent un épisode de dépersonnalisation. En effet, c’est comme si l’inconscient coupait momentanément l’individu de lui-même et de son environnement afin de se préserver d’un vécu ingérable.
Figurant parmi les symptômes importants des tableaux cliniques des troubles anxieux, la dépersonnalisation s’observe assez fréquemment.
Son incidence lors d’une attaque de panique est pourtant variable d’une culture à une autre selon certains chercheurs. Cela peut aller de 7 % à 69 % avec moindre occurrence chez les patients méditerranéens que chez les anglo-saxons ( Shiori et ses collaborateurs, 1996).
D’autres recherches ont montré que plus le sujet est atteint d’anxiété de manière précoce et plus son niveau d’angoisse est élevé, plus il risque d’expérimenter la dépersonnalisation.
Enfin, l’étude de Toni, Cassano, Perugi, Murri, Mancino et Petracca, citée Saladini et Luauté (2003), suggère que c’est un dysfonctionnement temporo-limbique qui est à l’origine du phénomène dans les pathologies anxieuses.
Lorsqu'un individu est confronté à la mort, à des blessures graves, ou à une menace pour son intégrité physique ou pour celle d'autrui, on considère généralement un tel événement comme traumatisant. Ce dernier peut engendrer par la suite un état de stress post-traumatique chez le sujet.
Là où la dépersonnalisation apparaît généralement, c’est au moment même de l’occurrence de la situation traumatogène et/ou rapidement après. Il s’agit alors d’une sorte de dissociation péri-traumatique visant à préserver l’équilibre mental du sujet.
Il arrive fréquemment que le sujet, en proie à une anxiété accablante, se réfugie dans l’alcool et l’utilisation des drogues, croyant que cela pourrait l’aider à retrouver le bien-être. Évidemment, ceci est totalement erroné, puisque la relaxation sera de courte durée et qu’elle sera rapidement rattrapée par un niveau d’angoisse encore plus important que celui de départ.
En plus, il faut savoir que les intoxications éthyliques et toxiques vont créer un déséquilibre cérébral qui augmentera le risque de dépersonnalisation. La psychologue Marlene Steinberg a même souligné que la marijuana peut rendre le trouble chronique.
Afin d’arriver à gérer les épisodes de personnalisation, il faut s’attaquer à son origine et donc travailler sur l’anxiété. Pour cela, il y a les psychothérapies, les traitements médicamenteux, mais il existe également des méthodes que chacun peut utiliser au quotidien pour gagner en sérénité.
La TCC est l’approche thérapeutique idéale des troubles anxieux. En effet, elle va permettre au sujet d’identifier ses pensées irrationnelles qui font qu’il est constamment angoissé. Parallèlement, une restructuration cognitive sera mise en place permettant d’évaluer les schémas de pensées, de les rationaliser et de les remplacer par des cognitions positives ou du moins plus réalistes. Par ailleurs, le thérapeute dispensera une psychoéducation au patient. Cela aidera celui-ci à comprendre et gérer ses divers symptômes, dont la personnalisation. Enfin, il l’initiera aux techniques de relaxation pour l’armer face au stress.
Ceci peut aussi se faire en dehors du cadre de la TCC. La personne sujette à l’anxiété pourra se former à diverses méthodes qu’elle pratiquera par la suite de manière régulière :
Les traitements qui fonctionnent le mieux sur la dépersonnalisation et la déréalisation sont ceux qui ciblent le trouble mental qui a déclenché de tels symptômes. Dans le cas de l’anxiété, les psychiatres prescrivent généralement des anxiolytiques ou des antidépresseurs sous la forme d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.
Nous rappelons que seul un médecin est habilité à prescrire ces médicaments et qu’il est impératif de respecter les doses recommandées par le spécialiste.
L’alimentation équilibrée n’a pas pour seul objectif de retrouver une jolie silhouette. En effet, elle participe grandement à l’équilibre mental de l’individu. Éviter les matières grasses, la restauration rapide, les boissons sucrées et le café va avoir des conséquences positives sur le bien-être général. Il en sera de même de la consommation des fruits, des légumes et des protéines de qualité.
Par ailleurs, nous recommandons vivement la pratique quotidienne d’une activité physique. Celle-ci stimulera la production de la dopamine et des endorphines et régulera ainsi l’anxiété.
Le soutien social est une variable qui a souvent été délaissée en psychologie. Pourtant, depuis les années 2000, nous constatons un regain d’intérêt pour cette notion et pour sa relation avec le bien-être mental. La recherche de Brummet, citée par Juéry (2019), confirme que le support des pairs peut diminuer la détresse psychologique lorsque le sujet a connu des événements traumatiques. D’autres études ont démontré l’effet tampon des relations sociales face aux situations stressantes.
Il existe 3 principaux critères qui définissent le moment opportun pour consulter un psychologue ou un psychiatre.
La dépersonnalisation générée par l’anxiété et le trouble anxieux lui-même peuvent avoir des conséquences importantes sur la qualité de vie. En effet, il se peut que ces manifestations rendent difficile l’accomplissement des missions professionnelles et des tâches quotidiennes. La personne devient inapte à contrôler ses émotions et à se comporter comme à son habitude.
Le fait que la dépersonnalisation ne se limite pas à un épisode isolé va déstabiliser le sujet au plus haut point. Cela risque d’interférer avec ses obligations personnelles et professionnelles, mais également d’accentuer ses troubles anxieux. Nous pourrons même assister à l’apparition d’autres affections psychiques telles que la dépression.
Il est toujours urgent de prendre rendez-vous chez un professionnel quand les idéations suicidaires ou des actes auto-agressifs font leur émergence. Il faut en parler autour de soi et agir rapidement pour éviter les passages à l’acte. La demande de consultation peut aussi bien être exprimée par la personne concernée que par son entourage.
La dépersonnalisation est un trouble retrouvé dans le tableau clinique des troubles anxieux. Il se manifeste par une déconnexion de son corps et de ses émotions et par un sentiment de déréalisation. Le sujet peut présenter un tel épisode quand il est confronté à un stress chronique, ou lorsqu’il souffre d’anxiété généralisée, d’attaques de panique ou d’un état de stress post-traumatique. Ce symptôme peut également être créé ou chronicisé par la consommation d’alcool ou de drogues. Heureusement, des solutions existent comme l’adoption d’un mode de vie sain, la pratique sportive, le recours à un soutien social, les techniques de relaxation ou les thérapies cognitivo-comportementales.